L'Aube peut se vanter de posséder l'un des ensembles
les plus importants de vitraux en France et en Europe ; avec 9000 m2
de vitraux dans l'Aube datant du XIIIè au XIXè siècles, la ville de Troyes réunit
plusieurs ateliers de restauration de ces images du passé, qui permettent aujourd'hui de
les admirer dans toute leur splendeur dans les églises de la ville et du département.

Vitraux de l'église de Chaource
; deux chats et un ours pour les armes de la ville,
et l'écusson d'azur à bande d'argent et or des armoiries de Champagne (vers 1545).
Les historiens font remonter la création des premiers vitraux tels
que nous les connaissons au IXè siècle ; à cette époque, et pour plusieurs siècles
encore, la maîtrise de l'écrit est un art réservé à une élite peu nombreuse
composée de quelques seigneurs et surtout des moines et des copistes, dont la vie semble
y être presque intégralement consacrée.
 |
 |
 |
La
création des astres, Ste Madeleine |
Saint Sébastien, église Saint Jean |
Le
Chaos, Ste Madeleine |
Le vitrail, de même que les "tableaux sculptés" à
l'entrée des églises, est donc un moyen de transmettre, sans passer par le mot, les
enseignements des textes sacrés au peuple "inculte" ; c'est la première
vocation de l'art des verriers.
Au fil des siècles, les vitraux serviront d'autres desseins ;
l'église ou la cathédrale sont en effet des lieux de vie uniques au Moyen-âge, ou le
plus pauvre côtoie le plus riche, où toute la société médiévale défile, pour voir
ou être vue. Le vitrail devient alors, au même titre que la statuaire, un moyen de
communication à part entière.
On y lit par exemple quelques moments d'histoire, comme à
l'église Sainte Madeleine, avec le vitrail de la vie de Saint Louis ; le Comte de
Champagne Thibaud le Chansonnier y apparaît même, rendant hommage à son seigneur.
 |
 |
 |
La
Reine mère résilie sa tutelle et rends ses pouvoirs au Roi. |
Le
Comte Thibaud IV rend hommage à Saint Louis. |
Saint
Louis reçoit la Couronne d'épines de l'empereur de Constantinople. |
On trouve aussi de nombreux donateurs, qui se font
représenter sur les verrières qu'ils ont financées, ou bien qui y font figurer leurs
armes. C'est très souvent le cas sur les vitraux du XVIè siècle. Les grandes familles
troyennes participent largement et généreusement à la reconstruction des quartiers
détruits par l'incendie de 1524 ; il en va de même pour les vitraux des églises. Les
Largentier, les Boucherat, les Le Muet marquent ainsi les chapelles des églises de
marques distinctives de leur richesse et de leur pouvoir.
 |
 |
 |
Blason
des familles Largentier et Le Mairat, St Pantaléon |
Au
pied de ce Saint Henri, la donatrice Marguerite Pinot, veuve de Sébastien Mauroy et mère
d'Henri Mauroy, église Saint Jean. |
Blason
de la Communauté des Orfèvres, Ste Madeleine |
Parfois ce sont les dons des communautés d'artisans
qui ornent les églises ; de même que la corporation des cordonniers finance la sculpture
de l'arrestation de Saint Crépin et Saint Crépinien, visible aujourd'hui à Saint
Pantaléon, celle des orfèvres finance la belle verrière de la vie de Saint Eloy, à
l'Eglise Sainte Madeleine et y appose son blason.
La technique du vitrail au Moyen-âge consiste à
teindre le verre "dans la masse" par des oxydes métalliques. La fabrication du
verre coloré dans la masse est connue depuis l'Antiquité. L'utilisation au VIè siècle
de morceaux de verres colorés assemblés par un support de plâtre ou de bois permet la
réalisation de petites mosaïques, ancêtres du vitrail. Plus tard, les éléments en
verre sont réunis par un réseau en plomb et maintenus par des barres métalliques.
Technique du vitrail décrite par le
moine orfèvre Théophilen d'un monastère Rhénan au XIIè siècle :
« De la couleur avec la quelle on peint le verre : Prenez du cuivre mince battu, brulez
le dans un petit vase de fer jusqu'à ce qu'il soit entièrement en poussière. Prenez de
petits fragments de verre vert et de verre bleu des Grecs ; broyez les séparément entre
deux pierres de porphyre ; vous mêlerez le tout ensemble, de manière qu'il y ait un
tiers de cuivre, un tiers de verre vert et un tiers de verre bleu. Vous broierez
également le tout sur la même pierre avec du vin ou de l'urine, et très soigneusement.
Vous mettrez ces mélanges dans un vase de fer ou de plomb, et vous vous en servirez pour
peindre avec grande exactitude suivant les traits qui sont marqués sur la table. » (in
Le Vitrail, C. Brisac, Ed. La Martinière)
C'est surtout à partir du XIIè siècle que le
vitrail se multiplie dans les églises, et l'art gothique va venir accentuer cette
expansion. A la Renaissance, des émaux, posés sur la face externe du vitrail, donnent
une gamme de couleurs plus variée et permettent de mélanger les couleurs comme le fait
la peinture sur toile. Peu à peu, la grisaille rehaussée de sanguine ou de jaune
d'argent apparaît (première moitié du XVIè siècle) : cette technique permet d'éviter
de découper la verrière en autant de morceaux de verre que le vitrail comporte de
couleurs, et ressemble plus au dessin d'une gravure, support iconographique en pleine
expansion à cette époque. L'Ecole troyenne se distinguera au cours du XVIè siècle en
préférant le vitrail coloré à la grisaille, et en utilisant dès le début du XVIIè
siècle la technique du verre émaillé qui permet de travailler sur du verre blanc, tout
en utilisant une large gamme de couleurs pour les scènes représentées.
Exemples de grisailles à l'Eglise Saint Pantaléon :
 |
 |
Victoire
des Espagnols sur les Maures, à Simancas, en 938 (dans la chapelle St Jacques). |
"Jésus au Jardin des Oliviers, entouré de Pierre, Jean, et Jacques,
qui sommeillent." |
|
|